Chronologie Kolinga, 1986-2027

1986 : Naissance dans le Parc national des Virunga en République démocratique du Congo.

1989 : 3 ans. Kolinga découvre la vie sauvage, jour après jour, aux côtés de sa mère. Il apprend à reconnaître les feuilles, les racines, les fleurs et les écorces indispensables à son alimentation.

Les ravages de la guerre civile

1994 : 8 ans. Kolinga perd ses parents. Au Rwanda, une guerre civile oppose Tutsi et Hutu. Afin d’échapper au génocide, deux millions de Rwandais trouvent refuge dans les pays frontaliers, notamment dans le massif des Virunga, au Congo. C’est la plus grande migration humaine de l’histoire. Pour survivre, les réfugiés n’ont d’autre solution que de braconner. L’impact de cet exode est désastreux pour les gorilles. Les parents de Kolinga se font massacrer sous ses yeux, et lui-même échappe de peu à la mort. Après des semaines d’errance, Kolinga, devenu orphelin, intègre un nouveau groupe sous la protection d’un impressionnant mâle dominant, Mokonzi.

1996 : L’UNESCO inscrit le Parc national des Virunga sur la liste du « Patrimoine mondial en péril ».

2001 : Des épidémies provoquées par le virus Ebola touchent le Gabon, l’Ouganda et le Congo. Pour la première fois depuis son apparition en 1976, Ebola contamine  également des Gorilles de plaine.

Kolinga chef de clan

2003 : 17 ans. Kolinga a grandi, il mesure 1,80 m pour 220 kilos, et le pelage noir de son dos a viré au gris-blanc. Devenu à son tour un puissant « dos argenté », il entend régner en maître sur le harem du clan et provoque Mokonzi, le patriarche. Au terme d’un combat sans merci, il chasse Mokonzi et devient le nouveau chef d’un groupe de neuf gorilles.

2005 : Naissance de Mokili, le premier fils de Kolinga et d’Elikia, l’une de ses trois compagnes. L’événement est très important pour cette petite communauté car les femelles, peu fécondes, ne mettent au monde que quatre à cinq petits au cours de leur vie.

2006 : En pleine saison des pluies, des trafiquants d’animaux attaquent le clan de Kolinga. Elikia est abattue et son fils Mokili enlevé. Privée de sa descendance, la survie du groupe est compromise.
Le braconnage reste l’un des principaux dangers pour les gorilles. Ils sont chassés essentiellement pour alimenter le trafic illégal de la viande de brousse. On fabrique des cendriers avec leurs mains, tandis que leur crâne, trophée très prisé, est vendu à prix d’or pour la pratique de la magie noire et autres croyances fétichistes.

La menace de l’or noir

2010 : En Juin, le gouvernement congolais attribue des concessions à des compagnies pétrolières. Environ 85 % du Parc national des Virunga sont concernés.

2011 : La prospection commence (ouverture de pistes, repérages aériens, études sismiques). Les exploitants pétroliers sont protégés par des milices locales corrompues par les pétrodollars.

2013 : De violents affrontements éclatent dans la région de Rutshuru entre les forces armées congolaises et le mouvement rebelle M23. Malgré la création par l’ONU d’une brigade d’intervention, un million et demi de personnes fuient le conflit. Trois gorilles du clan de Kolinga meurent sous les balles des belligérants.

Le recul de la forêt

2016 : Kolinga et les siens perdent peu à peu leur domaine. La pression démographique s’intensifie. L’agriculture, le défrichage et la production de charbon de bois font reculer chaque jour davantage la forêt qui les abrite. Les gorilles sont de plus en plus dérangés et ont des difficultés à se nourrir.

2018 : La famille de Kolinga éclate. En rupture de clan, les femelles et les jeunes mâles rejoignent un nouveau groupe. Kolinga se retrouve seul.

2021 : Un rapport scientifique énonce des conclusions alarmistes. Il prévoit l’extinction du Gorille de montagne à très court terme si des mesures draconiennes ne sont pas appliquées rapidement.

2023 : Les programmes officiels de conservation des primates sont relégués au second plan en raison d’une crise économique mondiale sans précédent et de conflits armés régionaux. Le suivi scientifique et la protection des gorilles ne sont plus assurés.

2024 : Les gouvernements plient face aux lobbys du pétrole. Malgré d’importantes manifestations en Europe et aux États-Unis, des groupes pétroliers s’implantent dans le Parc national des Virunga, suivis de près par des compagnies d’exploitation minière et forestière.
De nouveaux fronts pionniers ouvrent dans le plus ancien parc national d’Afrique. C’est la plus grande catastrophe environnementale de la région. Chaque mois, de nouveaux villages clandestins apparaissent pour abriter ouvriers, prospecteurs et trafiquants en tout genre. La demande en viande de brousse explose pour nourrir toutes ces bouches.

Le virus Ebola et l’ultime combat

2025 : 39 ans. Kolinga vit isolé, il est à bout de forces. Le terrible virus Ebola refait surface dans la région volcanique des Virunga, au Rwanda et au Congo. Le Parc national de Bwindi, en Ouganda, est également sévèrement touché. Les trois derniers sanctuaires où survivent les Gorilles de montagne sont contaminés. Les autorités sanitaires confirment plusieurs centaines de décès chez l’homme et le gorille. Kolinga ne parvient pas à former ni à intégrer un nouveau groupe.

2026 : 80 % des Gorilles de montagne sont décimés par l’épidémie de fièvre hémorragique provoquée par le virus Ebola. Leur démographie s’effondre irrémédiablement. Le chaos s’installe dans la région. 

2027 : 41 ans. Kolinga est le dernier survivant de son espèce. Affaibli par une pneumonie, il livre son ultime combat contre les braconniers qui le traquent impitoyablement et l’abattent. Son corps est retrouvé sauvagement mutilé, pieds et mains tranchés à la machette.
Le dernier Gorille de montagne est mort. L’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) classe Gorilla beringei beringei dans la catégorie « EX / extinct ». L’espèce est officiellement éteinte.

Scénario Gilles Martin